Le Département des Transports du Canton de Genève a dévoilé ce printemps 100 mesures pour la mise en oeuvre de la loi "pour une mobilité cohérente et équilibrée". Ci-dessous le regard d'actif-trafiC sur ces 100 mesures (téléchargeables ici). actif-trafiC n’analyse pas chacune des mesures proposées, mais se contente de commenter les grands principes sous-tendant l’élaboration des dites mesures, car si l’ordre des grands principes était inversé, un grand nombre de problèmes serait résolu.
Mauvaise hiérarchie des 6 principes
Les 102 mesures reprennent nombre d’idées déjà existantes pour les regrouper en un seul paquet, ce que nous saluons. Cependant, le projet met la charrue avant les bœufs, en mettant la priorité sur la fluidification du trafic individuel motorisé (TIM) sur la moyenne ceinture. En effet, la Confédération mise en matière de transports sur l’ordre de priorités suivant : mobilité piétonne, transports publics (TP), mobilité cycliste et transport individuel motorisé. Les premières mesures devraient donc concerner la «fluidification» de la mobilité piétonne et non celle des voitures individuelles. La politique de l’élimination des goulets d’étranglement a montré ses limites, car l’assainissement d’un goulet ne fait que reporter le problème quelques kilomètres plus loin. Il en va de même pour la prétendue «fluidification» du TIM, qui ne fera qu’attirer davantage de voitures puisque le parcours sera facilité. Il s’agit donc de fait d’une augmentation de la quantité de voitures circulant dans le canton, ce alors que les normes de l’Ordonnance sur la protection de l’air (OPAir) sont loin d’être respectées.
La hiérarchie des six principes genevois devrait donc être inverse : Centres urbains (modes doux), hyper-centre (piétonisation), pénétrantes modes doux (non multimodales), services d’innovation, sécurisation des traversées de localité et finalement, si le besoin s’en fait encore sentir, une ceinture extérieure.
Moyenne ceinture
En effet, la moyenne ceinture ne délestera pas le centre, puisqu’elle se trouve au centre de l’agglomération (zone 2) et abrite un grand nombre d’emplois. Citons pour exemple l’avenue Giuseppe Motta qui mène au siège des Nations-Unies, l’avenue Wendt dans le quartier très peuplé de la Servette, le chemin Rieu à Champel etc. La majorité du trafic sur ces axes n’est donc pas du trafic de transit, mais bien de destination à ces emplois. Une politique de stationnement plus stricte s’avérerait nettement plus utile. Toute place de stationnement devrait devenir payante et couvrir (au moins) ses frais. Une telle politique doit inclure les places de stationnement que les entreprises mettent à disposition de leur personnel. En d’autres termes, il appartient à toutes les moyennes et grandes entreprises d’établir obligatoirement un plan de mobilité d’entreprise. Les sommes générées par les recettes de stationnement seraient à affecter à l’achat d’abonnements TPG pour les employé-e-s renonçant à venir en voiture au travail. Les places de stationnement existantes pour résident-e-s et véhicules de livraison ne seraient pas affectées.
Une ceinture située plus à l’extérieur répondrait mieux à l’objectif de fluidification du trafic de transit, à condition de barrer l’accès des quartiers d’habitation aux non-résident-e-s par l’instauration de boucles qui empêchent les automobilistes non-résidents de traverser ces quartiers.
Si la moyenne ceinture devait se faire, il est impératif d’en profiter pour supprimer un maximum de places de stationnement sur ces axes et d’accorder cet espace aux modes doux et aux transports publics !
Centres urbains et hyper-centre
Nous soutenons toutes les mesures visant à développer la priorité aux modes doux et aux transports publics. La pacification des quartiers revêt à nos yeux une importance capitale dans cette perspective, mais cette démarche est parfaitement réalisable sans « compensation » tels que des parkings au centre-ville comme le parking « Clés de Rive ».
La vieille ville et l’hyper-centre gagneraient beaucoup en qualité de vie s’ils étaient transformés en une vaste zone piétonne. Les négociants y trouveraient également leur compte, comme le montre l’exemple de la plus vaste zone piétonne en Suisse, la vieille ville de Winterthour.
Les feux des carrefours sont à régler prioritairement pour les besoins de la mobilité douce et en particulier des piéton-ne-s (mesures 1, 2, 6, 11 etc.). Cela implique que les piéton-ne-s, même « lent-e-s » à cause de l’âge, d’un handicap ou d’une charge puissent traverser en une seule fois. Pour cela il faut allonger les phases vertes pour les marcheurs-ses et les multiplier, afin que les piéton-ne-s ne puissent traverser en une seule fois et ne pas devoir attendre à deux et plus de reprises. En outre, les arrivées des transports publics devraient être coordonnées avec les feux pour permettre aux passagers /gères d’effectivement attraper leur bus /tram. L’exemple de la ville de Berne montre l’utilité d’une telle mesure.
Reprendre l’idée de la Confédération d’une « décentralisation centralisée » (connexion de centres de diverses tailles sur tout l’espace du pays) par l’intermédiaire du centre principal de la ville de Genève et de sous-centres urbains est à saluer, mais la surface concernée par ces centres urbains devrait être étendue à toutes les surfaces toujours densément peuplées et abritant de nombreux emplois.
Pénétrantes modes doux
Nous saluons l’instauration de pénétrantes de modes doux (en particulier voies cyclables et permission de rouler en vélo en contre-sens), mais nous récusons fermement l’idée d’ouvrir les voies de bus aux motos à cause du danger engendré pour les passagers/gères montant et descendant des TP et la probabilité d’embouteillages pour les bus. Les motos sont à considérer comme des véhicules à moteur et doivent donc à respecter les règles appliquées à ces dernières. En plus, le bruit des motos est beaucoup plus désagréable pour les résident-e-s que celui des voitures et la progression du nombre de motos ne doit donc en aucun cas être favorisé.
Les motos ne sont pas à tolérer sur les pistes cyclables, car l’écart de vitesse entre vélos et motos est considérable. Or, de telles différences de vitesse mettent les utilisateurs-trices plus vulnérables en danger. Le stationnement des motos en surface est à éviter au maximum et doit être remplacé par un stationnement en sous-sol.
Un accent particulier dans la mesure des pénétrantes devrait être mis sur la réalisation de la voie verte et des cheminements y menant.
Sécurisation des traversées de localité
Les localités traversées par les pendulaires sont essentiellement perturbées durant les heures de pointe (matin 7 à 9 h et fin d’après-midi). En instaurant des zone à trafic limité ZTL durant ces heures dans les villages concernés, la sécurisation se ferait « automatiquement » et quasi gratuitement à la différence de la tranchée couverte à Cologny.
Services de mobilité innovants
L’instauration de lignes de bus express est une excellente initiative pour augmenter la vitesse commerciale très faible à l’heure actuelle. Elle n’est cependant réalisable que pour les bus et non les trolleybus qui peuvent se dépasser (bus à moteur sur des axes suffisament larges). Et, soulignons-le, l’obstacle majeur à la progression des bus et trams est dû au fait que, contrairement à toutes les autres grandes villes du pays, ils ne reçoivent pas automatiquement la priorité aux feux.
Dans les nouvelles idées citées à la fin nous apprécions l’idée de voies de bus dynamiques (donc seulement en fonction aux heures de pointe), mais nous suggérons d’élargir cette idée aux voitures individuelles par l’instauration d’une zone à trafic limité (ZTL), comme le connaissent les grandes villes italiennes. Les centres-villes n’y sont pas accessibles aux voitures individuelles aux heures de pointe le matin (par ex. entre 7 h et 9 h) avec pour effet de limiter la venue de pendulaires en voiture.
Une autre idée qui rendrait les parcours piétonniers bien plus agréables consiste en une « perméabilisation » de l’espace, à savoir la possibilité pour les piétons d’éviter des détours en passant par les parcs privés et à travers les cours intérieures de bâtiments. Cette politique a prouvé son efficacité à Copenhague. La pose généralisée de la nouvelle signalisation « impasse » pour les voitures, mais accessible aux piéton-ne-s, permettrait de progresser en direction d’une réelle perméabilisation du tissu construit.