«Qui veut faire quelque chose trouve un moyen, qui ne veut rien faire trouve une excuse.» — Proverbe arabe
Le Grand Conseil genevois a bien illustré ce jeudi 22 septembre la justesse de ce proverbe lors du traitement de l’initiative Climat Urbain (IN 182). Sourds aux arguments des rapports de minorité argumentés et précis, démontrant qu’il était non seulement nécessaire et urgent de voter l’initiative Climat Urbain mais aussi qu’il était possible et réaliste de la mettre en œuvre, la majorité du Grand Conseil a choisi, une nouvelle fois, la voie de l’inaction et du délai en refusant l’initiative (54 NON, 40 OUI, 1 ABS) et en acceptant le principe d’un contreprojet (47 OUI, 44 NON, 1 ABS).
Prétendant que l’initiative serait «inapplicable» en invoquant ce qui ressemblait davantage à des prétextes qu’à de réels arguments, les député·es de la majorité, tout en reconnaissant que l’initiative soulevait un problème de fond bien réel, n’ont cessé dans les faits de botter en touche.
En entérinant le principe d’un contreprojet, le Grand Conseil ouvre donc un nouveau délai d’une année pour rédiger un texte alternatif. De précieux mois de perdus, alors qu’en matière de climat, chaque jour d’inaction compte. Prendre du retard aujourd’hui nous placera dans une situation encore plus difficile demain.
Lorsqu’ils ne déviaient pas la conversation en évoquant les places «trop minérales» en Ville de Genève – un problème bien réel mais qui n’est pas le sujet ici, les député·es de la majorité ont notamment prétexté la présence et la complexité de réseaux souterrains pour justifier leur opposition à l’initiative.
Or, ce problème n’est pas une réalité partout. Surtout, avec un peu de volonté politique, il est parfaitement surmontable. D’une part, ces réseaux doivent être régulièrement rénovés, ce qui ouvre l’opportunité de les déplacer pour mieux les réorganiser. L’initiative Climat Urbain pourrait être précisément l’occasion de saisir à bras le corps cette problématique d’un «urbanisme du sous-sol» cohérent et intelligent.
D’autre part, il existe aujourd’hui des solutions inventives pour planter des arbres malgré la présence de réseaux souterrains à proximité, et c’est bien ce qui se passe avec la plupart des arbres existants en ville aujourd’hui.
Enfin, rappelons que l’initiative parle de créer des «espaces verts et arborés»: il ne s’agit donc pas uniquement de planter de grands arbres en pleine terre, mais également de dés-imperméabiliser et végétaliser l'espace public au moyen de prairies fleuries ou de strates arbustives. Cela contribue à la lutte contre les îlots de chaleur, favorise la biodiversité et améliore l’infiltration des eaux de pluie, ce qui est nécessaire pour réduire le risque accru d'inondations liées au dérèglement climatique.
En réalité, derrière ces prétextes, c’est à un rééquilibrage de l’espace public aujourd’hui totalement dominé par le trafic individuel motorisé que la majorité du Grand Conseil s’oppose. Plusieurs interventions illustraient bien l’embarras de la droite face à l’initiative qui vise parfaitement juste. Une députée PLR regrettait que l’IN 182 «oppose la mobilité douce aux voitures». Mais la réalité est que l'espace à disposition est restreint et qu'il est très majoritairement alloué aux voitures, au détriment des autres modes. Rappelons qu’en Ville de Genève, 66% de la voie publique est dédiée au trafic individuel motorisé, qui n’assure pourtant que 27% des déplacements. Un rééquilibrage de l’espace est inévitable: il est impossible de faire de la place aux mobilités durables et à la végétation sans en prendre à la voiture. Toutes les grandes villes d’Europe le font: c’est inéluctable à Genève aussi, qui rappelons-le vise une diminution de 40% du trafic motorisé d’ici 2030. Agir sur l’espace public est le meilleur moyen de remplir cet objectif.
On regrettera enfin que le vote sur le principe du contreprojet soit passé de justesse à cause de voix précieuses qui ont manqué à l’appel, de manière difficilement compréhensible. Par ailleurs, si ce sont les député·es qui ont tranché ce jeudi, il faut aussi souligner le rôle regrettable joué par le Conseil d’Etat, qui a appelé depuis le début à rejeter l’initiative avec des arguments hautement contestables, sans jamais formuler d’alternative crédible, comme nous le dénoncions déjà en février dans notre réponse à sa prise de position.
Si le Grand Conseil a refusé l’initiative, nous sommes plus déterminé·es que jamais à la maintenir pour qu'elle passe devant le peuple... et à gagner dans les urnes! D’ici là, nous ne ménagerons aucun effort et maintiendrons la pression pour que les communes et toutes les entités qui le peuvent, agissent pour soustraire de l’espace au trafic motorisé en faveur des mobilités durables et de la végétalisation.