En cette rentrée 2021, à Genève, on a pu découvrir la piste cyclable pérennisée sur la chaussée amont du Pont du Mont-Blanc. Enfin un aménagement définitif qui protège les cyclistes du trafic? Certes, mais c’est très peu, très tard, et très mal fait. actif-trafiC publie une vidéo qui démontre les problèmes de cette piste cyclable, avec une expérience pratique, chronomètre en main.
Un tel aménagement aurait pu éventuellement être salué il y a 10 ou 15 ans, lorsque la situation des pistes cyclables sur les quais était très différente et que le nombre de cyclistes à Genève était moindre. Mais en 2021, cette piste est largement insuffisante.
Étroitesse excessive et mono-direction incohérente
Tout d’abord, elle est très étroite : selon nos mesures, elle atteint à peine le minimum de 1m25. Par comparaison, aux Pays-Bas, on recommande des pistes cyclables de 2m à 2m25 de large minimum. Berne prévoit de construire des pistes cyclables de 2m50 de large. Ici on est à moins de la moitié : inacceptable à l’heure où les vélos-cargos se multiplient et où les dépassements entre cyclistes sont rendus toujours plus indispensables vu la diversité des vitesses possibles des différents usagers·ères des pistes.
Surtout, cette piste est ridicule car elle est monodirectionnelle (rive gauche —> rive droite), alors que, des deux côtés de la rade, ce sont des pistes cyclables bidirectionnelles qui relient, d’un côté la plage des Eaux-Vives au Jardin Anglais sur la rive gauche, et de l’autre côté la Perle du Lac au quai du Mont-Blanc sur la rive droite. Alors que les autorités communales et cantonales ont planifié, réalisé et construit des pistes bidirectionnelles de part et d’autre du pont, comment expliquer qu’ils y inaugurent une piste aussi ostensiblement incohérente avec les aménagements existants ?
4x plus de temps dans un sens que dans l’autre!
actif-trafiC a donc tenté une expérience : relier l’Horloge fleurie au quai Wilson rive droite (à la hauteur du débarcadère de la CGN), dans les deux sens, avec un chronomètre. Dans le sens rive gauche-rive droite, c’est assez simple et rapide : on met environ 1min30 pour relier la rive gauche à la rive droite. Dans l’autre sens (quai Wilson —> Horloge fleurie), on met jusqu’à 6min10.
On met donc 4x plus de temps pour traverser de la rive droite à la rive gauche que dans l’autre sens! En effet : on doit non seulement traverser le pont sur le trottoir aval partagé avec les cyclistes et les piéton·nes (de manière plus ou moins confortable), mais surtout traverser le flux de voitures 7 fois et patienter longuement à plusieurs feux.
Prendre de l’espace au trafic individuel motorisé
Bien sûr, la réponse des autorités est connue d’avance: le problème est le retard pris par le projet de passerelle piétonne, qui n’a toujours pas vu le jour après plus de dix ans d’atermoiements.
Pour nous, le vrai problème est ailleurs. Il réside dans le fait qu’on refuse de faire une place correcte aux cyclistes sur un pont qui compte pourtant 5 voies réservées au trafic individuel motorisé et une voie bus / taxi ! Sur un pont où la chaussée fait plus de 20m de large, il y a clairement de la place pour donner davantage d’espace aux cyclistes.
Cet espace peut et doit être pris sur les voies dévolues aux voitures! C’est non seulement possible, mais surtout nécessaire pour atteindre les objectifs climatiques fixés par le Conseil d’Etat lui-même: à savoir une réduction de 40% du trafic motorisé d’ici 2030, soit dans 8 ans, selon le Plan climat cantonal. Or, la mobilité cycliste présente un important potentiel pour le report modal, cela seulement à condition qu’on lui offre de meilleures conditions de sécurité et de confort, ce qui n’est clairement pas le cas ici sur ce U lacustre. De plus, il n’y aura pas de diminution du trafic automobile sans une réduction de l’espace qui lui est alloué.
Un exemple parmi d’autres de votes populaires non appliqués
Cet exemple du pont du Mont Blanc est bien sûr un exemple parmi d’autres de situations aberrantes et dangereuses pour les cyclistes à Genève. Cela est d’autant plus inacceptable que la population a accepté l’initiative 144 pour la mobilité douce il y a plus de 10 ans, qui demande bien que toutes les routes principales du canton soient équipées de pistes cyclables directes, continues et sécurisées. Une direction encore confirmée lors du vote pour la LMCE en 2016, qui donne la priorité à la mobilité douce (et aux transports publics) dans le centre et l’hyper-centre.
De nombreuses grandes villes en Europe (Paris, Séville, Londres, Lyon, etc.) développent massivement des aménagements cyclables confortables et sûrs : Genève peut et doit se mettre en mouvement de manière ambitieuse, sans attendre, pour aller dans cette direction.